Le pire c'est qu'Arlene savait bien qu'elle se comportait n'importe comment, elle n'en avait seulement rien à foutre et n'avait pas l’énergie nécessaire pour changer ou pour tout du moins fait des efforts. Et puis, c'est dégueulasse d'être comme ça avec Sièmon alors qu'il n'avait rien fait et qu'il était l'un des seuls à être encore là, même si leur façon de faire n'était pas la plus adéquate. Il avait même consenti à lui donner une source de revenus ce qui était déjà rare pour un peintre mais encore plus pour Arlene qui était jeune, non reconnue et instable. Elle aurait alors pu profiter de cette opportunité pour se plonger dans son travail, histoire d'arrêter de penser à son frère défunt mais non, c'était trop dur et penser à autre chose lui semblait comme une trahison. Il était mort, elle était en vie et rien que pour ça, elle le voulait dans sa tête tout le temps, pour ne pas le perdre, pour qu'on ne l'oublie pas même si cela voulait dire qu'elle se détruisait jour après jour. En plus de ça, elle avait coupé les ponts avec sa famille et se retrouvait seule, seule à ruminer, à pleurer, à boire, à fumer, à faire n'importe quoi. Personne ne pouvait l'en empêcher et elle aimait ça en réalité. Tout était plus facile comme ça. Lorsqu'elle s'était mise devant ses toiles donc, Arlene avait tenté cependant de satisfaire les envies de Siémon. Elle le connaissait depuis longtemps et ces goûts n'avaient aucun secret pour elle mais rapidement, les couleurs se révélaient trop criardes, les gestes trop doux et il fallait qu'elle cache tout ça. Elle avait alors sorti le noir et recouvert tout ce bonheur, ce bonheur qu'elle s'interdisait parce que lui, ne l'aurait jamais. Elle savait donc pertinemment que Siémon n'aimerait pas mais elle ne s'en souciait pas, elle s'en fichait, elle n'y pensait pas. Assise face à lui, Arlene a envie d'une cigarette, pour se calmer, pour avoir quelque chose à faire, elle en a très envie. Mais elle se retient parce qu'elle est dans son hôtel et qu'elle sait que ce serait impoli. Il lui sourit en guise de salut, une expression que son visage n'avait pas connu depuis longtemps et elle lui montre ses tableaux. Il soupire, ouais, elle s'en fout. Puis il lui parle enfin et ses paroles la piquent à vif. Elle se lève, lui jetant un regard noir, faisant glisser son briquet entre ses doigts. Elle soutient son regard pendant quelques secondes et finalement, elle explose. « C'est vrai que tu préfères passer ton temps à baiser des mannequins, j'oubliais. Va te faire foutre. » Au moins, ça avait le mérite d'être clair. Elle tourne ensuite les talons, lui laissant les toiles, elle n'en veut pas de toute façon et se dirige vers la sortie du salon privé où ils se trouvaient bien décidée à quitter la pièce.

Impuissant, un soupir confus s’échappa de ses lèvres. Arlène était brillante et autrefois pleine de vie. Son chagrin se reflétait dans l’obscurité de ses toiles. Malgré leur relation étrange et quelque peu conflictuelle, Siémon avait beaucoup d’estime pour cette jeune femme. Décontenancé par ses œuvres, il sentit la colère monter en lui alors qu’elle l’observait d’un regard inexpressif. Une cigarette, oui, une cigarette lui aurait fait tellement de bien en cet instant. Comment devait-il réagir ? S’apitoyer face à son chagrin ? Le donner un véritable coup de pied au cul pour qu’elle réalise qu’elle valait mieux que tout ceci ? Sans prendre le temps de réfléchir davantage, le businessman opta pour cette deuxième option. Il n’y avait pas mis les formes certes, mais cette jolie blonde devait prendre conscience de son potentiel et cesser de se lamenter sur une mort tragique. Il ne reviendrait pas, alors à quoi bon ? Tel un puissant venin, ses paroles la blessèrent et piquée dans son orgueil, Arlène vint lui faire face avec violence. Ses rétines s’enflammèrent et comme pour calmer ses nerfs à vif, elle vint serrer fermement un petit briquet de couleur rouge. Haussant la voix, l’insolente lui répondit avec aplomb. « C'est vrai que tu préfères passer ton temps à baiser des mannequins, j'oubliais. Va te faire foutre. » Surpris par une telle attaque, Siémon demeura silencieux, ne sachant quoi répliquer. Il l’observa lâcher ses toiles et celles-ci vinrent s’étaler sur le sol du petit salon privatif. Détournant les talons, sa chevelure de miel suivit le mouvement avec grâce. Quel fauve, comment pouvait-elle lui en vouloir à ce point. Était-ce de la jalousie ou tout simplement de la colère ? Mais après tout qu’importait, agir en tant que frère n’était pas de son ressort. « Je ne vois absolument pas ce que cette attaque vient faire là Arlène ! » Emboitant le pas, Siémon se pressa jusqu’à la retenir par le poignet avant de l’obliger à lui faire face. Son regard fuyant se posta sur le sol alors que le businessman l’attrapait par les épaules. « Je ne te comprends pas là ! Mais bordel, qu’est-ce que tu veux ? » Le jeune homme lui offrait de son temps, parfois même de sa compassion, il essayait tant bien que mal de faire naître un sourire sur son visage d'opaline, il s'était démené pour lui faire une place en tant qu'artiste accomplie, mais pour quel résultat ? Qu'attendait-elle de plus ?

Cette relation n'avance à rien, elle stagne et les fait tomber toujours plus bas dans l'erreur, à chaque nouvelle rencontre. Pourtant lorsqu'ils avaient couchés ensemble quelques années auparavant, alors qu'ils étaient adolescents, cet acte avait eu pour conséquence de les séparer, la gène ayant pris le pas. Mais depuis quelques mois maintenant, voir années, chacune de leurs rencontres renforçaient cette envie. Surtout qu'Arlene avait bien remarqué que Siémon n'était pas insensible et qu'elle avait un certain pouvoir sur lui. C'était étrange d'ailleurs et ceci avait beau être malsain, Arlene ne s'en privait pas pour autant. Pour une fois, elle sentait ce contrôle, ce pouvoir et alors qu'elle ne faisait que lâcher prise dans sa vie, elle aimait sentir ce sentiment en elle. Ils ne se rendaient pas compte qu'à chaque fois, leur relation dépérissait un peu plus. Ce qu'elle venait de lui sortir, sur les mannequins qu'il baisait n'était en aucun cas lié à une quelconque jalousie. Elle n'était pas amoureuse de lui, attirée certes mais elle n'avait rien d'autres que des sentiments amicaux pour lui même si en ce moment, tout était flou et les limites plus tellement visibles. Elle était juste en colère, peut-être parce qu'elle aurait aimé à certains moments qu'il se soucie un peu plus d'elle au lieu de faire le Don Juan ici et là. Mais pouvait-elle lui en vouloir, elle qui se donnait à à peu près n'importe qui. Elle ne lui répond pas donc, préférant suivre le chemin de la sortie. Elle n'a pas envie de lui parler même si elle savait que tout ceci se passerait ainsi. Pourquoi était-elle venue alors ? Peut-être tout simplement pour Siémon, sans aucune attente particulière, seulement pour avoir une présence avec elle. Le pas assuré, Arlene s'approche de plus en plus de la porte mais c'était trop simple. Siémon s'interpose, bien évidemment, ça ne se termine jamais si rapidement entre eux deux. Il l'attrape, la bloque en posant ses bras massifs sur ses épaules et elle ne peut plus s'enfuir. Il reprend la parole et elle soutient son regard un instant sauf que bientôt, les larmes emplissent ses yeux et elle se sent obligée de baisser le regard. « Tu ne comprends rien. Tu pensais vraiment avoir ce que tu voulais, tes tableaux ? Tu croyais vraiment que c'était possible. Ce que tu vois là, c'est ma vie. Du noir. Et toi, tu t'en fous, tout le monde s'en fout. » dit-elle d'une voix cassée en montrant ses tableaux d'un léger coup de menton. Ses larmes commencent à couler sur son visage, sans discontinuer, elle ne peut plus arrêter et elle a honte d'elle. Parce que normalement, quand elle pleure, elle est seule, elle ne veut pas qu'on la voit et là, face à Siémon, elle est à nue.

Dépassé par les évènements, le mutisme du jeune homme vint trahir son trouble. Arlène ne lui était pas étrangère et il la connaissait mieux qu’elle ne pensait le croire. Au fur et à mesure de leurs rencontres, il apprenait à la connaître, appréciant davantage sa joie de vivre et son rire communicatif. La mort tragique de son frère l’avait basculé dans le néant et aujourd’hui, elle était méconnaissable, reconvertie dans un chagrin sans nom. Sombre, je-m’en-foutiste, perdue … elle errait comme une âme en peine, incapable d’outrepasser ce deuil. Siémon avait eu la chance de ne jamais subir les affres d’un décès, mais de la voir ainsi, il s’en rendait malade. Car oui, il l’appréciait, réellement, même s’il s’évertuait à ne pas lui montrer. Arlène méritait mieux que tout ceci. Alors qu’il la tenait fermement entre ses mains masculines, il toisa une nouvelle fois son visage d’ange déchu. Malgré la beauté de ses traits, il l’incendia de paroles amères, simplement pour lui faire réaliser qu’elle aspirait à mieux. Ses rétines océanes ne cillèrent tout d’abord pas, puis, une larme vint glisser sur sa peau d’opaline. Poussant un soupir désolé, Siémon laissa sa prisonnière s’exprimer. « Tu ne comprends rien. Tu pensais vraiment avoir ce que tu voulais, tes tableaux ? Tu croyais vraiment que c'était possible. Ce que tu vois là, c'est ma vie. Du noir. Et toi, tu t'en fous, tout le monde s'en fout. » Alors qu’elle pleurait toutes les larmes de son corps, Silverberg la libéra de son emprise. Délicatement, il s’empara de ses tableaux avant de les disposer sur un sofa aux couleurs sombres. Ses œuvres ne valaient rien. Arlène reprenait peu à peu son esprit et calmant ses sanglots, Siémon se rapprocha d’elle avec douceur. Puis, en toute franchise, ce fût à son tour de se livrer à elle. « Tu as tout faux, si je me fichais complètement de toi Arlène, tu ne serais pas ici. Je veux t’aider à sortir de cette galère et je sais que tu caches un talent fou. Tu es douée, brillante alors arrête de te gâcher. Et en toute franchise, j’attendais mieux de toi que des tâches grises sur une toile blanche. » Tendrement, le jeune homme vint replacer une mèche folle derrière son oreille délicate et un léger sourire se dessina sur son visage. « Je t’ai toujours tiré d’affaire, alors je ne vois pas pourquoi ça changerait aujourd’hui. » Fourrant sa main dans l'une de ses poches, Siémon sortit un paquet de cigarettes, puis ouvrant celui-ci, il en offra une à sa collaboratrice avant de se servir. Il la porta délictament à ses lèvres avant d'en allumer l'extrémité. Il réitéra son geste et un zeste de fumée s'échappa du bâtonnet d'Arlène. « Rien ne vaut une clope ... tu ne crois pas ? »

Au final, Arlene ne sait même pas pourquoi elle est venue là, pourquoi elle a répondu à l'offre de Siémon, pourquoi elle se trouve en face de lui à ce moment précis avec en tout et pour tout, de simples horreurs à lui présenter. Tout ça se résume presque à de la provocation et envers un ami qui est là depuis tout ce temps auprès d'elle, essayant maladroitement de la consoler, c'est complètement irrespectueux. Elle aurait du lui téléphoner et annuler, tout simplement. Oui c'est ça qu'elle aurait du faire mais récemment, elle ne fait rien bien, tout ce qu'elle entreprend s'effondre. Quand aux décisions qu'elle prend, il semblerait qu'elles soient toujours mauvaises, la plongeant toujours plus dans une sorte de cercle infernal dont elle n'arrive plus à s'extirper. Elle a besoin d'aide, elle le sait inconsciemment mais rien de ce qu'elle fait ne va dans ce sens et encore une fois, avec Siémon, rien ne prévoit une fin normale. Elle fuit, se débat alors que la bataille est perdue d'avance, jamais elle ne pourra s'extirper de ses bras forts et musclés, elle la brindille légère comme une plume. Il se dégage et Arlene commence à sécher ses larmes qu'elle n'a pas franchement envie qu'il voit plus longtemps, c'est déjà trop ridicule comme ça. Il dispose les toiles sur le sol mais la jeune femme ne veut pas les voir, elle n'en a pas le courage. C'est alors qu'il lui répond et ce qu'elle dit, elle sait qu'il s'agit de la vérité mais c'est bien plus facile de le nier, oh oui c'est tellement plus facile de se mentir et de jeter la vérité sous le tapis. C'est ce qu'Arlene fait depuis trois ans et visiblement, elle vit très bien comme ça. Ou pas. Elle ne lui répond même pas donc, à ça et à ce qui suit parce que mine de rien, elle est trop fière pour s'abaisser comme ça. Arlene n'est peut-être pas une petite bitch mais elle reste une gamine de riches et certains de ses traits de caractère le montrent précisément. Il sort un paquet de clope et finit par lui en proposer une, chose qu'elle ne va forcément pas refuser. « Oui, jveux bien. Enfin... on peut fumer ici ? » Même si, s'il lui propose, c'est qu'ils peuvent, logique. « T'as pas un verre aussi ? » lui demande-t-elle. Sauf que ça, c'est peut-être une mauvaise idée parce qu'avant de venir, Arlene a déjà bu deux bières et que tout ça serait un parfait tremplin pour une augmentation massive de son taux d'alcool dans le sang. Mais ça, Siémon ne le sait pas bien sûr.